2.3 DANS LE PASSAIS (61 - 50 - 53)
AVANT-PROPOS : LA QUETE DU GRAAL DANS LE PASSAIS
Reprendre la Quête à partir du Passais, c'est d'abord rendre hommage à l'immense travail accompli par Georges et Annie BERTIN, et tous leurs amis depuis 1980, à partir des travaux de René BANSARD (+1971) et du professeur Jean-Charles PAYEN (+1984), dans le Passais, aux carrefours de l'Orne (61), de la Mayenne (53) et de la Manche (50).
Ils font partie de la mystérieuse chaîne qui depuis la Chapelle Royale de Senlis (60) m'a amené à connaître et à vivre cette région bien méconnue. L'Orne est un sublime écosystème à moins de 200 km de Paris. Là, subsiste encore la France de notre enfance, « d'avant la télé... »
« Brocéliande » dans son Territoire premier, la Quête du Graal, les héros arthuriens prennent là une autre saveur, celle d'un vrai terroir, made in France. Et aussi par les épisodes d'une histoire redécouverte identifiant les lieux à partir des textes. Le Bocage, simple en apparence, contient une force mystérieuse, que certains esprits peuvent saisir à certains moments, dans le prisme des saisons.
Rappelons symboliquement que l'issue du Débarquement en 1944, et de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, se sont joués dans l'écheveau compliqué des routes et sentiers de la Basse-Normandie. Il faut y vivre pour le comprendre.
La tradition kabbalistique nous enseigne que la Lettre Aleph (א), la plus abstraite et la plus proche de l'infini, repose de fait sur son sens premier de « taureau, boeuf » (alouph). « Le ciel repose sur la terre», et la Séphira Malkhouth (Royaume) est bien le fondement et le but de l'Arbre de Vie, de notre existence.
Si Féeric analyse le Code de l'Orne, il lira : oRNe = R - N = Resch - Noun : ר ן. Ce pays porte et garde le principe (fermé) de la Tradition.
C'est dans la glaise, la terre détrempée, la vapeur du souffle des vaches, le regard pénétrant et silencieux des chevaux dans leur patrie, le chant multiforme des oiseaux, etc. que s'apprécie la puissance de l'esprit. Ainsi parle le dieu de ce lieu, au nom de Dieu, dans l'échange de son absence et de sa présence.
Et disons le clairement, ce pays est féerique par Dame Nature, mais le Bocage est une communauté humaine fière et fermée. Exceptions mises à part, ne comptez pas vous y faire des amis. Ce n'est pas le sujet. Le temps est suspendu, la société des humains aussi.
Cela rappelle le Moyen Age, le vrai et sa caricature, la structure morcelée digne des Bantoustans d'Afrique du Sud : un monde émietté du chacun chez soi. Un ordre primaire, parfois arriéré et immuable, pas concerné par l'évolution du monde. Et on les comprend mieux.
Si vous n'y croyez pas, regardez le niveau de la communication de la ville de Bagnoles-de-l'Orne, et vous verrez que vous ne rêvez pas : juste une fleur et une vache comme affiche permanente, depuis des lustres. Promesse vache ? De qui on se moque ? De la région, assurément. Et les Thermes continuent de s’enfoncer dans la baisse de fréquentation. Le temps de leur splendeur est loin. Cherchez l’erreur…
Les paysans, les manants de l'esprit et du coeur, les parisiens, le microcosme BC-BG et déjanté du Perche, les nobles plus ou moins argentés, le monde des Haras - même si la chasse permet des échanges sublimes et fugitifs sous les frondaisons de la Forêt d'Ecouves à la saint Hubert - les studios de Luc Besson, etc. Ainsi va l'Orne dans son drôle de kaléidoscope.
Ce territoire a un charme unique, mais il y aura plus de dialogue et d'échanges avec la faune et la flore...Vos illusions sur le genre humain ne seront pas encouragées, mais vous y apprendrez que tout se paye, et au moins si l'indifférence est la règle, vous aurez une paix royale.
Quelle que soit votre place dans l'échelle sociale, vous serez un observateur privilégié des lieux, le roi de votre royaume. Et vous pourrez toujours ramasser une bûche pour vous chauffer, ce qui n'est pas assuré dans les villes.
Un terroir rugueux et anguleux se mérite dans une humilité qui vous ramène à l'humus, et dans sa pleine contradiction, vous porterez le prix de la Quête, inhérente à la condition humaine. Cendres et diamant. Et la première leçon de la Quête est d'abord de la vivre.
L'habillage « arthurien » du Circuit de Lancelot du Lac comporte à notre avis avantages et inconvénients. Capter la pulsation profonde d'un pays est une chose, faire oeuvre de culture est bien un autre combat, surtout au 21° siècle. Et, si l'on y prend garde, l'arbre du symbole, feuillu de kilomètres de textes de recherches et de colloques, risque fort de cacher la forêt du sens.
Premier inconvénient et de taille : la quête proposée couvre plusieurs départements jusqu'à Fécamp ! C'est trop vaste. La force du Brocéliande breton, même s'il n'a vu le jour qu'au 19° siècle, qu'importe, est de remplir efficacement son rôle touristique et initiatique. Cette forêt peut se visiter en 1-2 jour(s) dans un parcours à taille humaine et guidé par le mythe, car dans ce domaine, l'histoire réelle compte moins que la croyance, l'émotion et le vécu.
Aussi, nous ne rentrerons pas dans la querelle dépassée de l'histoire et de la géographie de « Brocéliande. » « L'esprit souffle où il veut, et quand il veut. » Nous parlons donc distinctement du Brocéliande normand et du Brocéliande breton, situés aux opposés du même Massif armoricain. CQFD.
D'autres territoires, et non des moindres, ont leur mot à dire :
- la MAYENNE : MY - NN : מ י נ ן
MY = MAYIM, la matrice / N - N : Noun-Noun : tradition sur tradition, soit la source de la Tradition cachée.
MANCHE : M - N - CH : Mem - Noun - Shin : מ נ ש : la mystérieuse alliance de l'eau et du feu. La proximité du Mont Saint Michel ?!
La thèse de René BANSARD (1904-1971) reliant la matière anglo-normande du Roman du Graal à la redécouverte de l'histoire et de la géographie locale, associant Saint Frambourg à Lancelot du Lac, est passionnante, ouvrant le questionnement plus que la certitude.
Certains lieux du Passais (Saint-Fraimbault-de-Lassais et de Prières, Montsûrs, Domfront, Banvou, La Fosse Arthour, etc...) se sont rassemblés en un puzzle, et auraient un tant soit peu permis au Roman du Graal de prendre corps. Et Féeric rajouterait : « le dieu de ce lieu s'est manifesté en un faisceau de correspondances qui a contaminé le texte. »
Indéniablement, les sites ont leur importance, dévoilent une vérité et en cachent une autre, encore à découvrir dans une recherche sans fin. C'est bien cela qui est juste et bon.
BANSARD : B - N - S - R - D : Beith - Noun - Samekh - Resch - Dalet : ב נ ס ר ד : Recommencer la tradition dans son secret et son principe afin de la dévoiler. Et ensuite passer le relais.
A Georges BERTIN : BR - T - N : Beith - Resch - Tav - Noun : בר ת ן : celui qui va créer en et ressusciter la tradition par les :
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CENA (1973), Société savante (association culturelle),
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OTR ( 1984), Ordre de la Table Ronde.
C'était bien vu de faire un festival à Bagnoles-de-l'Orne, hélas aujourd'hui disparu. Lassay-les-Châteaux (53), avec son splendide château, son attachante roseraie médiévale, et son sympathique maire, n'est-il pas devenu le quartier général de ce concept-là ?
Mais au bout de 50 ans, force est de constater que la thèse bansardienne ne passionne plus que certains milieux universitaires et médiévistes, et encore.
La vérité est que ni le pays profond, ni les élites, ne participent à la promotion réelle de cet héritage historique et spirituel. Tournez-vous du côté des Bretons, des Alsaciens, des Auvergnats, des Basques, etc. et vous verrez la différence de motivation, d'animation et de réussite.
Depuis 2016, la Haute et la Basse Normandie forment une Région unique. La modernité est de mise dans les belles vitrines de Rouen, Caen, Cherbourg, etc.
La campagne normande est belle, souvent même plus qu'ailleurs, et ses énergies lui donnent une prédisposition, une nature quasi-spirituelle, que l'on ne trouve à proximité que dans la féconde douceur des pays de Loire, et dans une partie de la Bretagne, etc.
Mais le pays profond, c’est une autre histoire.Tout le monde sait ce que la Normandie doit aux Parisiens qui en ont fait leur résidence secondaire. La jalousie reste tenace dans les campagnes. Le climat, l'histoire, la dureté des conditions de vie expliquent la mentalité, mais ne l'excusent pas.
Dieu s'occupera du reste. Le prochain débarquement, pas aussi favorable que le précédent, risque d'être la mer en furie sur les côtes...
Osons-le dire, et assumons, il est bien loin le temps de la noblesse normande, des Chevaliers, quand l'âme de Geoffroy de CHARNAY, Commandeur de Normandie, montait du bûcher face à la Seine vers le ciel avec celle de Jacques de MOLAY.
On dirait que l’âme normande s’est figée après la Deuxième Guerre Mondiale. Le Mémorial de Caen fait recette, les cérémonies du Débarquement - Welcome to our Liberators - sont le fond de commerce et de pensée d’un grand peuple spirituel qui a abdiqué dans le passé et dans le matérialisme.
Mais l'histoire est là : 35000 morts à la suite de la Bataille de Normandie (en Basse-Normandie ?) 50000 Normands décédés selon Henri AMOUROUX. Mais cela n'explique pas tout.
On entend juste la voix du philosophe Michel ONFRAY, fils d’un métayer de Chambois (61), son Académie du Goût etc., dans sa frénésie médiatique, mais il fait figure d’exception. Une étoile sortie de la fosse et du charnier ?
Pensez aussi qu’Argentan (61) est la ville de naissance du peintre Fernand LEGER, dont le Musée Fernand LEGER - André MARE a enfin ouvert ses portes en 2019 dans la maison d'enfance du premier. Une réussite, tout en restructurant à l'occasion le quartier sur ce thème. Bravo. Quand on veut on peut.
Allez les Bas-Normands de l'Orne, redressez la tête et continuez. Votre beau pays le mérite.
Les labels écologique et bio auraient le vent en poupe dans un tel environnement, mais ce n’est pas (encore) le moment.
De fait, on aime le vrai Moyen Age, celui de Régine PERNOUD, ou on ne l'aime pas. Et Jérôme BOSCH est un grand artiste qui nous oblige à accepter le monde tel qu'il est. Les âmes y sont pesées et trempées. On rêve d’un roman de Michel HOUELLEBECQ planté dans un tel décor.
Mais l’avenir et la jeunesse sont porteurs d’espoirs. En témoigne l’exemple du renouveau par le festival médiéval et fantastique Cidre et Dragon à Merleville-Franceville Plage (14), depuis 2006 avec plus de 40000 visiteurs !
Le Graal est passé par là, s'est manifesté grâce au Passais, c'est sûr, mais cela date, et il ne reviendra pas.
Ne rêvons pas : depuis le début, au sens littéral et symbolique, cette histoire du Saint Graal est aussi une romance qui s'écrit et se réécrit selon les caprices du temps et des intérêts des hommes. Son sens allégorique et mystique, le mythe fondateur, c'est autre chose, et le vrai sujet. Nous y reviendrons ailleurs.
Il reste aux Normands le Mont-Saint-Michel - qu'ils partagent de fait avec les Bretons vu de la mer - c'est pas mal, et normal : il n'y a que l'Ange qui peut les supporter ! Et chaque région de France participe à l'alliance du Royaume, et à son alchimie des contraires en TSARFAT.
Quant à la nouvelle grande fête normande de la Saint Michel, couplée avec le Québec, il y a, comment dire, du chemin à faire pour en faire un évènement digne de la Saint Patrick. L’esprit de l’Ange est inexistant, hors sujet. Saint Michel, patron des Normands ? A prouver dans les mentalités et dans les faits, et pas que dans le marketing.
Il est avant tout l'Ange protecteur des Royaumes de France et d'Israël. Le Mont a eu vocation d'être le phare sprirituel de l'Occident, avant de devenir la seconde destination touristique de la France après Paris. La Région a beaucoup investi pour sa mise en valeur et son profit, mais nous ne parlons pas de la même chose.
C’est la Fraternité Monastique de Jérusalem qui a installé des moines et des moniales à l’Abbaye en 2001, et personne d’autres.
Apprendre à s'ouvrir et à partager davantage, au nom de Saint-Michel, qui a pour mission, rappelons-le, « de rallumer la foi dans le coeur des hommes. » Vu l’histoire et la géographie qui y sont en partie communs, pourquoi ne pas inviter aussi les Bretons, histoire de tourner la page du passé ?
Aujourd'hui, ces derniers, parlons-en, même déchristianisés, sont dignes du Graal. Qu'ils le gardent, et longtemps, ils le méritent par leur racine celtique et sacrée. La Bretagne, comme nous l'avons vu, est le pays du principe et du commencement (BREIZH-BERESHIT), et la finitude (FINISTERRE) n'y est que cyclique.
C'est là aussi que le bât blesse pour nos amis arthuriens normands. La Quête du Graal est largement connue - EXCALIBUR et les MONTY PYTHON sont passés par là - mais qui se soucie vraiment aujourd'hui du sens du Graal tel le sang du Christ, comme de l'héritage des ermites de la région ? Les recherches universitaires sont une quête en soi, on peut les partager, mais le sens catholique de l'histoire n'est plus d'actualité.
Il n'est pas obligé d'accompagner la pensée catholique dans sa chute, ni même "l'électroencéphalogramme plat" de la croyance occidentale. Pierre TEILHARD de CHARDIN et Emmanuel MOUNIER sont loin. A quand une pensée spirituelle « néo-chrétienne » ?
En d'autres termes, c'est la chevalerie qui passionne encore les foules, grâce au cinéma. Le besoin de la quête initiatique interpelle toujours l'humanité depuis la Bible, l'Odyssée d'Homère, les contes et légendes et une bonne partie de la littérature mondiale, et aujourd'hui dans son expression dynamique pour la jeunesse.
Mais qui ira jusqu'à l'Abbaye de Fécamp pour la trace de la légende du Précieux Sang assimilé au Saint Graal ? Le « sang réal » a connu un regain d'audience par L'Enigme sacrée de la descendance davidique de Jésus et Marie-Madeleine dans la maison France, relayé par les fausses et vraies questions suscitées par le Da Vinci Code. Oui, il n'y a pas de fumée sans feu.
Aujourd'hui, le sang qui passionne la jeunesse est celui des vampires dans le monde moderne et urbain, symbolisant l'amour avec la mort, l'éternelle pulsion Eros-Thanatos, présente dans le monde de Stéphanie MEYER (Twilight), et de bien d'autres titres.
La source du Sacré Graal et de sa Sacrée Quête est bien anglo-normande, anglo-saxonne et celte. L'affaiblissement progressif du catholicisme, qui appellera forcément une renaissance postérieure du christianisme à partir des fondamentaux en phase avec l'évolution du monde, va de pair avec l'émergence du néo-celtisme ou assimilé, et de la Féerie qui s'y rapporte.
La Table Ronde est éternelle, le Roi et l'Epée reviendront, c'est inscrit dans les secrets de notre âme individuelle et collective, mais il va falloir penser un jour à renouveler tout cela. Une nouvelle religion est obligatoirement en devenir. Quand le sujet devient objet, et s'est statufié, il faut repasser par le creuset du feu sacré, de l'inspiration, de la vibration et de la transmission.
Quant au Roi Arthur, il témoigne encore aujourd'hui du principe sacré et secret. Mais il cache aussi Charlemagne ou plutôt le retour du Roi. Ecoutez Féeric, il vous murmurera quelque chose à ce sujet.
Yona DUREAU nous rappelle les principes cachés du mythe du Graal à travers la grille de la tradition hébraïque.C'est son interprétation parmi d'autres, elle prêche peut-être pour sa « paroisse », mais elle mérite réflexion pour rappeler le fondement archétypal de la Quête.
Car le sang du Christ est le contenu de la Coupe. Mais qui est Jésus-Christ à la base sinon Yeschouah, le pharisien révolutionnaire ? Son enseignement, sa vie, son sacrifice servirent la création d'une nouvelle religion judéo-chrétienne, dont Saint Paul, ex-Saul, disciple de Ben Gamliel, fut l'artisan inspiré de sa diffusion universelle.
Rappelons l'Evangile de Marc 12, 28-30 :
« Quel est le premier de tous les commandements ?
Jésus répondit : Voici le premier : Ecoute Israël (Chema Israël), le Seigneur, notre Dieu, est l'unique Seigneur (...) »
Ecouter Israël est bien se relier à la Tradition et à son Code. DRASCH, chercher est le mot central placé au milieu de la Torah. Le Graal en procède à coup sûr, mais il faut continuer à chercher, à interpréter.
GRAAL = G - R - L : Guimel - Resch - Lamed : ג ר ל :
Etudier et s'élever vers le principe et dans la durée, une autre forme pour DaBaR : la Parole dans le Désert.
Car son Nombre est 3 / 21 : s’exprimer dans l’élévation. Tout est (presque) dit.
La spiritualité nouvelle passe par la présence, et l'intensité du moment présent. Sa conquête devient la Quête. La religion n'est plus le but de la vie, et beaucoup s'affranchissent des contraintes du Code, l'héritage génétique psycho-spirituel transmis de génération en génération, au profit de l’essentiel toujours recommencé.
Au commencement, en-tête, dans le principe, que la Quête continue...
Amenet, EMeT, Amen.
Puissiez-vous un jour connaître le Passais, aux carrefours du Passage, et en goûter ses fruits.
© Eric LE NOUVEL
PS :
- Voir aussi le Sentier pour marcher de Champsecret (61) au Mont-Saint-Michel, parcours de 100 km activé par Bertrand LEROY, auteur de La Porte mystérieuse du Mont-Saint-Michel - Le sentier de Daath (PG Ed.)