CHAMBORD, SON MESSAGE FEERIQUE, ALCHIMIQUE ET ROYAL
C’est vrai, la première fois que je suis arrivé au Château de Chambord (41250), j’ai cru être dans un décor de cinéma. Rien à voir avec les autres splendeurs à la gloire du Royaume de France. Plus proche d’un parc de loisirs à l’ancienne pour la Noblesse. Ou autre chose ; mais quoi ?
Ici, comment dire, on dirait que la construction flotte, autant rattachée au ciel qu’à la terre. Si la première impression est souvent essentielle, qu’est-ce à dire ? Assurément, ce Domaine national est aussi celui de l’âme, encore et encore…
Au départ, le rêve du Roi François I°, pétri de l’esprit chevaleresque, et nourri du Roman du Graal, était de bâtir un Château idéal selon ses propres critères. En plus d’un Relais de chasse, comme l’aboutissement de sa Quête.
D’autant plus, à l’heure de la Renaissance, quand soufflait une énergie nouvelle, dans les arts, les sciences et les idées. Son Projet en deviendra le Symbole.
Chambord (à l’origine Chambort) est un « gué dans la courbe d’une rivière », en l’occurrence ici le Cosson, à l’emplacement d’une motte féodale entourée de marais. L’ancien château médiéval des Comtes de Blois fut rasé, et les travaux d’édification commencèrent en 1519.
Le procédé d’intention royale est visiblement supérieur au potentiel dieu du lieu, grâce à une création totale, quasiment ex-nihilo, du point zéro.
Qu’on en juge :
CHAMBORT = 8, la transformation.
CHAMBORD = 1 / 37 : l’affirmation de soi par l’expression d’une idée et dans la foi.
CH - M - B - R - D : Shin - Mem - Beith - Resch - Dalet : ש מ ב ר ד :
(le Feu), l’énergie d’engendrer (dans l’eau) le principe (royal), et d’en faire un passage (une transmission).
Et quant au COSSON = 4 / 22 : la limite utile au sacrifice rendu au plan supérieur. Le décor est en place. Voyons la pièce qui se joue.
Tout a été dit sur ce château conceptuel, porteur d’utopie, issu d’un architecte et de plans inconnus. De près ou le loin, l’esprit de Léonard DE VINCI, et sa sphère opérative, sont inscrits dans ce grand Livre de pierre de tuffeau codé de balises interprétatives.
Qu’importe si le résultat final diffèrerait du projet initial, il rassemble tous les plans complexes de réalité de l’époque.
A la base, un grand carré parfait, construit à partir de l’escalier placé au coeur de la croix grecque centrale, et flanquée des 4 tours d’angle. Le résultat est l’harmonie mathématique sur trois étages.
L’escalier à vis, à double révolution, permet l’absence de rencontres, si ce n’est le vis-à-vis politiquement fortuit. Ce mouvement central, rotatif et giratoire, est typique et représentatif de la synthèse créative du Maître prénommé.
Comment ne pas y voir aussi le Caducée, et la spirale de l’Arbre des Séphiroth, qui ne sont rien d’autres que la manifestation du principe de vie au meilleur niveau ? Ce château de la Loire est certes le plus italianisé de la célèbre Vallée.
Par la suite, il fallut faire des façades symétriques et asymétriques, des compromis, pour aménager des immeubles d’habitation, et faciliter la circulation, etc. On aboutira à 440 pièces et 15 escaliers.
La chasse fut magnifiée par un parc animalier clos, au départ de 1500 Ha, au nom du décorum, et de la pulsion de vie / mort. Aujourd’hui, ce plus grand parc forestier clos d’Europe s’étend sur 50 km2 (5440 Ha), bordés par 32 km de murs.
Mais que cache donc cette obstination d’expérience architecturale hors normes ? Un « château manifeste » à visée artistique, politique, religieuse et spirituelle ?
Prioritairement, la restauration du pouvoir royal, et dans l’absolu, la construction du principe monarchique de la Dynastie qui s’éteindra avec le dernier BOURBON, Henri d’Artois, Comte de Chambord, en 1883.
François I° dut se redresser face à sa défaite avec Charles Quint (1525 - 1526). Quand on a vaincu à Marignan (1515), il faut changer totalement de plan pour triompher à nouveau.
Chambord devint un Palais de concorde, propice à l’activité diplomatique, quitte à inviter son ancien ennemi en 1539 pour acter de la transformation extérieure, en manifestant la transmutation intérieure.
Les symboles alchimiques prennent là tout leur sens dans leurs caissons.
F(rançois I°) et la Salamandre sous toutes ses formes : « Je nourris le bon feu et j’éteins le mauvais. » (Nutrisco et extinguo).
On distingue également des couronnes fermées, en référence à Charlemagne, ou même ouvertes, en relation à Saint Louis.
Car le but ultime est la Couronne (Kéther) ou plus précisément la Trinité abstraite (Aleph - Mem - Shin / א מ ש ), ou Esprit - Mère - Père (= St-Esprit - Fils - Père). Soit le monde d’en-Haut.
En témoigne le dernier escalier du Pinacle, la Tour-Lanterne, débouchant sur le vide. Mais en finalisant la jonction entre la royauté temporelle et spirituelle par la Fleur de Lys au sommet, à 32 mètres, en symétrie verticale avec la Couronne impériale.
Ainsi, « cet abrégé de l’expérience humaine », « beau comme un palais de fée, et grand comme un palais de roi », porte un message unique : féerique, alchimique et royal.
A l’image des trois plans de notre humanité, symbolisés par les trois fils de Noé : Japhet, Cham et Shem - la beauté, l’instinct et le sens.
Si Dame Féerie fleurit dans la partie supérieure, aux Terrasses, dans le mélange du gothique flamboyant et de la renaissance italienne, c’est qu’elle trouve là son ancrage, dans l’Harmonie de l’Imaginaire.
Que la Féerie à la française et francophone se souvienne bien de la leçon ! Les chefs-d’oeuvre féeriques anglo-saxons représentent d’abord leur culture. Et quel que soit le brassage moderne, nous avons une place spécifique dans ce domaine comme dans bien d’autres. Alors, cessons de nous esbaudir, et travaillons à notre contenu original, plutôt que de multiplier les clones.
L’histoire de France prit le relais via Gaston d’Orléans, Louis XIV, etc. qui parachevèrent le Rêve initial d’un Roi qui ne l’habita que 72 nuits, ou 42 jours, en 32 ans de règne ! Preuve de la démonstration.
Le reste, le prisme des saisons vous l’enseignera sur place.
A votre tour, laissez-vous guider dans le royaume multiple de Chambord.
© Eric LE NOUVEL
Sources : Wikipédia, film Chambord, le roi et l’architecte de Marc JAMPOLSKY (Arte France).
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