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EDITORIAL N°12 - OCTOBRE 2022

LE REGNE SANS PARTAGE DE LA FANTASY

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La Fantasy anglo-saxonne s’est imposée depuis plus de 20 ans dans notre société sans coup férir, avec une prise de part de part du marché culturel non négligeable.

A cette rentrée, le lancement par Amazon Prime vidéo de la nouvelle série des Anneaux de Pouvoir, nous permet de mesurer le vertigineux parcours de son redoutable rouleau compresseur marketing. Sans oublier le phénomène collatéral d’Halloween. Une autoroute durable lui est désormais ouverte dans son domaine.

L’univers de TOLKIEN, d’Harry POTTER et dans une moindre mesure Games of Thrones, etc., font désormais partie de notre quotidien pour le meilleur et le pire - soit notre défaite créative, intellectuelle et spirituelle gauloise. Par Toutatis, Astérix vaincu par plus celtique que lui !

Aucune jalousie et esprit chagrin à manifester, tant la forme et le fond induit de ces oeuvres sont parfaits. Et le marché des produits dérivés suit, alimentant un substantiel business. Après Disney, et bien d’autres choses. Que serions-nous devenus sans eux ? Hélas, pas grand-chose au niveau de l’imaginaire collectif.

Le bon côté est la régénération du Fantastique, avec des lettres de noblesse parfois portées au pinacle de l’Université, la recherche, plus que que dans les écoles, sauf dans les cours de récréation. Parfois même, les musées intègrent cette Fantasy à notre propre histoire pour mieux la mettre en avant. Ainsi, cet été, nous avons pu contempler l’exposition réussie des « Armes et armures royales - quand le réel rencontre la fiction » à la Forteresse royale de Chinon (37), où règnent quand même les traces de nos rois prestigieux, Jeanne d’Arc, et des élites templières.

Alors, bravo pour ce nec plus ultra. Et de façon générale, bienvenue aux forces de renouvellement pour des ferments imaginatifs multiples. Mais, interrogeons nous aussi sur l’envers de ce fabuleux décor.

Sommes-nous devenus plus « fantastiques », imaginatifs, chevaleresques, en Quête du Graal, etc. pour autant ? En partie oui, mais très extérieurement. Dans toutes fêtes médiévales et autres, jamais la foule ne s’est autant déguisée en se surpassant souvent dans ses costumes. Un renouveau pour le Carnaval. Mais en y regardant de plus près, on verse généralement dans le copié-collé des défilés répétitifs. Et comme d’habitude, la palme du fun revient aux territoires traditionnels de l’étrange (Nord, Est, Belgique, etc.).

 

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« Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse », me direz-vous. Pour le reste, ce mouvement comble un vide culturel se creusant de génération en génération. Le niveau intellectuel et spirituel général baisse ; et pas uniquement à l’école en maths. Le sens profond et original même de cette Fantasy-là n’est même pas intégrée, tant son rang de modèle dominant l’emporte en surface même dans les CSP+. Elle accompagne avec brio le règne de la massification et de la standardisation.

On ne plus cacher cette vérité depuis : nous les Français sommes en partie « bons » parce que notre pays est le plus beau, et le plus visité du monde. Et que depuis Jules César, nous sommes des éternels gaulois colonisés et collabos de toutes les influences et de toutes les époques. Ce qui est aussi conforme à notre vocation alchimique de Tsarfat comme Hexagone des Contraires.

Le marché du Livre est en crise durable, et en partie aussi à cause de ce phénomène de mode.
Curieusement, une sous-littérature a vu le jour sans aucun complexe reprenant la forme et certains thèmes de cette géniale Fantasy en espérant grappiller des miettes de succès. Jusqu’à la caricature et la saturation. N’en jetez plus, la cour est pleine. Le ridicule ne tue plus.

Et dans le jeu des plaques tectoniques des empires, l’Asie y va de sa partition. Chine, Japon, Corée : le nouveau centre de gravité économique et culturel mondial. On ne se pâme plus aujourd’hui devant le rock and roll anglo-saxon, mais devant les séries et la cuisine coréenne. Autres temps, autres moeurs.

Enfin, en comparaison, "depuis la fin de la crise sanitaire, la fréquentation des salles de cinéma affiche en 2022 une baisse de 25% à 30 % par rapport à 2019, année d'avant Covid."Et ce en partie pour les mêmes raisons.

Tout ce bouillonnement se décantera un jour, pour sûr.
Et nous, nous continuons humblement d’oeuvrer et de témoigner pour la Féerie à la française et francophone.
L’avenir réserve parfois des surprises, qui sait ?

 

© Eric LE NOUVEL

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