(2) LES MOTARDS ARTHURIENS

    

PEUT-ON ETRE MOTARD ET ARTHURIEN EN BROCELIANDE ?

En Bretagne semi-profonde, à 50 km de Rennes, cette question incongrue mérite encore d’être posée aujourd’hui.

Créée en 2015 à Plélan-le-Grand (35380) par Alain LATOUCHE, 52 ans, l’association des Motards Arthuriens est l’un des nombreux groupements de motards qui fleurit de nos jours, sauf qu’il agit en Brocéliande (avec un autre).

Chic, voici l’occasion de conter un autre épisode du pays réel de la Forêt légendaire, et de voir quelle pièce se jouerait là.

Nos cavaliers motorisés sont une soixantaine, à parité égale hommes-femmes. Harley Davidson est leur monture préférée, en général de 1100 cm3, mais plus d’un va au-delà en puissance.

Leur activité principale est de baguenauder en groupe dans des circuits découverte par groupes de dix pour ne pas effaroucher la populace. Tout est bien encadré et réglementaire : pas question de rouler en armure, ou de déployer une quelconque oriflamme sur les gros cubes.

L’enjeu du non-dit serait de savoir si ces créatures de cuir noir vêtues, avec parfois la croix pattée cousue, relèveraient d’une quelconque chevalerie, avec quel code, et aussi de savoir si le Graal serait leur quête.

Car voyez-vous les motards ne sont pas toujours bien vus, ils dérangent quand même un peu. Car dans notre beau pays, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, il y a toujours matière à discussion et à contradiction sur tout et rien. Un trait de caractère très hexagonal comme chacun sait, l’insignifiance.

Leur filiation induite avec les Hell’s Angels ne peut être niée, et les incidents de tous ordres s’inscrivent dans l’histoire de leur Tribu, issue des USA, qui est d’échapper à l’enfer sur terre par la moto, la drogue (et la violence). Les meurtres ne sont pas rares, même chez nous.

Mais revenons à nos motards bretons. Leur credo est le tourisme et l’aventure dans le respect et la liberté. Qui pourrait le nier ? Leurs albums photos témoignent d’un esprit communautaire et grégaire où l’essentiel est de vivre simplement, et souvent sans confort, leur passion, autour de leur roi, réel et symbolique.

 Leur filiation spirituelle est clairement reliée à La Madone des Motards, le grand rassemblement initié par feu le Père Louis PREVOTEAU, chaque année au 15 Août à Porcaro (56380) avec 20000 des leurs.

Et depuis 2015 les Motards Arthuriens se réunissent à Plélan-le-Grand en Octobre pour 3 jours de fête. On attend 1000 participants pour début Octobre 2016.

Ceci étant, qu’est-ce qui coincerait encore dans le Landerneau provincial ? Le label arthurien, pardi ! Nos compères du cru se le sont appropriés en mode de vie, et n’ont pas manqué d’y sacrifier en plantant l’Epée au Tombeau de Merlin, en pélerinant au Val sans Retour, etc. Et l’un de leurs membres, senior, ressemble d’ailleurs fortement à l’image que l’on se fait de Merlin.

Dans l’ombre, certains grincent des dents ou font la moue, et ne les reconnaissent pas à ce titre. C’est la vraie question.

Comme son nom l’indique l’imaginaire arthurien relève de la fantaisie et du symbole. Promouvoir la Matière de Bretagne sur le Roman du Graal est plus qu’honorable, et a favorisé la renaissance du Brocéliande local. Mais d’abord le fond de l’affaire reste une énigme. Et nous privilégions la thèse de l’universitaire Yona DUREAU (*), orientée en final vers le mécanisme cyclique des lois de l’univers inclus dans la Kabbale.

Ensuite, le sujet souffre d’un manque cruel de renouvellement créatif, même si par ailleurs le médiéval et la culture bretonne font recette. En ce 21° siècle les défis s’accumulent, et ce grand mythe du Sacré Graal devrait figurer davantage dans le paysage moral de notre société aux valeurs incertaines, mais à condition de le remettre au goût du jour. La consommation a remplacé l’étude, le questionnement et la remise en cause pourtant salutaires.

Se souvient-on encore du film Sacré Graal des Monty Python à l'humour décapant (1975)? Le chef-d'oeuvre Excalibur de John BOORMAN est loin (1981). On n'a pas oublié la saga Highlander (1986-2007), en particulier avec Christophe LAMBERT traînant dans les parkings avec son épée. Mais après, plus rien. Alors que l’essence même du Graal est la Quête, individuelle et collective. On rêvait et on attendait une adaptation digne des temps actuels.

Elle arrive en mai 2017 avec le nouveau film de Guy RITCHIE, Le Roi Arthur : la Légende d’Excalibur.

Mentionnons pour mémoire le film Un long dimanche de fiançailles (2004) de Jean-Pierre JEUNET, avec son actrice-fétiche Audrey TOUTOU, et d’après le roman de Sébastien JAPRISOT. Quel rapport me direz-vous ? L’intrigue se passe pendant la Première Guerre Mondiale. La conclusion, digne du Tao, est que le principe de chercher est plus important que ce que l’on trouve.

Mais le microcosme arthurien français, très médiéviste, se soucie peu de ce défi véritable. On parle culture, de préférence universitaire, et surtout entre copains-copines « lettrés » ; on pratique le copié-collé, comme dans beaucoup d’autres domaines éducatifs, et on mise aussi sur le packaging. Quelques plumitifs, parfois avec talent, croient flairer le bon filon. Par contre, certains illustrateurs sont à leur aise de remplir leur rôle nécessaire de transmettre la tradition.

Mais tout ceci relève d’une forme de muséographie, spécialité nationale, mais pas de création réelle, et encore moins de la rupture épistémologique indispensable face à la nouvelle ontologie numérique en cours.

Alors, on croit posséder le Graal, via le roman arthurien, en fixant la norme d’expression, et en s’arrogeant une forme d’autorité, avec parfois une certaine vanité très provinciale. Pas de chance, à la Table Ronde archétypale, la place du Roi doit rester vacante, sous peine de perdre son chef ; et nul ne peut posséder l’insaisissable Graal.

Reconnaissons néanmoins à la Cour de Dame Claudine du Château de Comper d’avoir accompli un renouvellement de vie méritant et de qualité. Mais le but de la Quête n’est pas l’Imaginaire, même arthurien, quitte même à rajouter d’autres formes à la mode. La finalité est la Loi, relevant de l’Arbre de la Connaissance. Et, en son Jardin, le PaRDèS, plusieurs niveaux d’interprétation se superposent.

Alors, de quel Graal parlons-nous ? La lettre ou l’esprit ? « La Porte est en-dedans », et pas ailleurs. Qui a pris la place de l’Abbé GILLARD dans la Forêt légendaire pour montrer ce chemin ?

Et que ceux qui vénèrent la Coupe ayant recueilli le sang du Christ se souviennent de sa sentence : « Je ne suis pas venu abolir la Loi mais l’accomplir. » (Matthieu 5, 17).

Qu’on se le dise, notre monde privilégie la magie de l’image sans la prise de conscience suffisante des redoutables échéances qui l’attendent dans la paix et l’environnement. Les contes et légendes que nous proposent à satiété les professionnels du secteur ont-ils encore quelque chose à nous dire ici et maintenant ? Il faudra un jour penser à rendre des comptes à ce sujet.

Quand le Sujet est devenu Objet figé, il faut revenir à l’origine, à l’essence, pour redéfinir le sens. A ce prix, la Connaissance est au-dessus du Savoir, à condition de dissoudre pour coaguler à nouveau, le moment venu.

Les Motards Arthuriens sont des enfants du pays agissant au gré de leur instinct, comme Lancelot du Lac, même si leur degré d’âme est différent. Ils sont des chevaliers modernes à la recherche du temps présent sur leur Territoire, dont ils alimentent l’âme collective.

Ils agissent aussi solidairement dans la distribution de jouets pour les enfants malades ou handicapés.

Alors, ils pourraient rajouter à leur répertoire, à l’attention des pisse-froids de tous poils, la célèbre chanson de Michel DELPECH « on dirait que cela te gêne de marcher dans la boue, on dirait que ça te gêne de dîner avec nous… »

Dans la grille de lecture de Féeric, à l’école de Merlin et de Viviane siégeant dans l’invisible sous l’Arbre (multiséculaire) des Voyageurs près de Paimpont, menons l’enquête sur Alain, le chef de groupe, avant de nous prononcer.

Voyons, né le 13/5/64, du signe du Taureau, son chemin de vie est 2, la dualité, l’association sous toutes ses formes avec le risque de ruptures. Il bénéficie du programme de l’Ange LAUVIAH - VICTOIRE (N°11) - lettre hébraïque Vav :

                  - donnant pouvoir sur la renommée aux personnes d’exception, dans leur devoir de gérer et de semer une vibration supérieure dans une oeuvre collective positive, avec le risque personnel de vulnérabilité et de destrucction que cela comporte.

• d’où l’adage recommandé : « Aide-toi et le Ciel t’aidera. »
• la Kabbale indique aussi curieusement : « Juge en Egypte du lieu, de l’ordre et de la peur. » Bigre de confirmation du défi d’être le leader des motards en Brocéliande.
• enfin sa Paracha (section de la Torah) est Bamidbar (Dans le désert…) - Nombres : d’où l’obligation de fédérer sa Tribu dans un environnement hostile.

Le compte est plus que bon. Adjugé !

    Etre le roi en-bas signifie aussi représenter le Roi en-haut.
Et pour paraphraser l’Evangile (Matthieu 18, 20), « Là où plusieurs sont rassemblés en mon nom, je suis présent parmi eux. » Arthur reconnaîtra les siens.

Féeric, les Lieux magiques accueille Alain LATOUCHE et sa bande de gros cubes comme dignes Motards Arthuriens ; et à défaut de les adouber, leur offre à chacun son poster de Brocéliande, et aussi pour décorer leur prochaine fête.

Cependant, laissons à la psychologie des profondeurs le soin de conclure ce beau sujet par un autre grand mythe de l’humanité, celui de Jacob et d’Esaü dans la Bible, le Livre des Générations.

Jacob, le fils préféré de sa mère Rébecca, va d’abord acheter le droit d’aînesse pour un plat de lentilles à son frère jumeau Esaü, chéri de son père Isaac.
Puis, sur les conseils de Rébecca, Jacob va usurper la place d’Esaü, pour recevoir les bénédictions d’Isaac.

Par la suite, Jacob deviendra Israël et le fondateur des 12 Tribus.

C’est vieux comme le monde, le cadet (le fils porteur de la mère) veut supplanter l’aîné (le fils porteur du père). L’amour n’est pas sans intrigue de pouvoir, d’Isis-Osiris à Viviane-Merlin !

Mais dans la tradition hébraïque, Jacob symbolise aussi l’âme spirituelle, et Esaü, l’âme animale, justifiant ainsi son fameux tour de passe-passe. Car l’esprit et la matière s’opposent dans deux niveaux différents d’énergie.

A leurs morts, les deux frères jumeaux sont réconciliés dans le Caveau des Patriarches, car il est dit que « la tête d’Esaü rejoint la poitrine d’Isaac. » Les deux faces de l’âme humaine sont alors réunifiées.

NB : voir l’articleLa décapitation d’Esaü sur www.chabad.org

Nous retrouvons le même schéma symbolique dans l’iconographie de Saint Michel et de Saint Georges « terrassant » le Dragon (de fait le maîtrisant seulement, car on ne peut tuer son énergie).

En conclusion, vous comprenez désormais le tabou sous-jacent :
Motard + Brocéliande, ça passe, mais Motard + Arthurien, c’est plus compliqué, la preuve !

Car il faut accepter l’union de l’âme animale et de l’âme spirituelle, le couplage de la force vitale brute et de la royauté.

Sacré Graal, tu nous a mené dans la quête de l’interprétation, et de la (re)connaissance du coeur.
Que la bénédiction d’Arthur soit sur Alain et ses motards !
Au nom du Roi, le Principe d’équilibre et de justice.

Amen.

(c) Eric LE NOUVEL
Juillet 2016

(*) voir sur notre site, in La Route du Code.

Crédits : toutes les photos Copyright Les Motards Arthuriens - autres iconographie : Wikipédia, etc.

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